25 avril 2020

IA - TECH : 25 Technologies pour booster l’économie post confinement

Le magasine Forbes propose aujourd’hui une liste prévisionnelle des technologies à mettre en œuvre pour booster l’économie de sortie de confinement (lien ici). Pour le magasine, il ne fait aucun doute que, malgré la crise terrible qui frappe le monde, cette décennie va mettre en œuvre des avancées technologiques permettant de compenser, rattraper voire rayer l’effet désastreux du confinement pour une reprise économique drivée par les technics.
Voici les 25 nouvelles technologies, dont bon nombre sont déjà de la compétence des ingénieurs diplômés de l’ENSC (voir plus de détail, lien ici).
  1. L’intelligence artificielle (au programme de toutes les années, plus parcours de 3eme année, et chaire ENSC/IBM autour de Watson) ;
  2. L’Internet des objets (IoT) ;
  3. Les technologies portables et l’humain augmenté (au programme de toutes les années et parcours de 3ème année) ;
  4. Le Big data et l’analyse augmentée (voir le DU Big data et statistiques pour l’ingénieur) ;
  5. Les environnements intelligents (au programme de deuxième année) ;
  6. Les Blockchains et la protection de registres ;
  7. Le cloud et la technologie de pointe (au programme) ;
  8. La réalité augmentée (idem) ;
  9. Les jumeaux numériques ;
  10. Le traitement du langage (au programme) ;
  11. Les interfaces vocales ;
  12. La vision artificielle et la reconnaissance faciale (en collaboration avec l’Institut d’optique, antenne de Bordeaux) ;
  13. Les robots et cobots (spécialité de 3ème année) ;
  14. Les véhicules autonomes (équipe de recherche avec l’IFSTTAR) ;
  15. La 5G ;
  16. La génomique et l’édition génétique ;
  17. La co-créativité homme-machine et le design augmenté (en collaboration avec les écoles de Condé) ;
  18. Les plateformes numériques ;
  19. Les drones et les véhicules aériens sans pilote (projets de 2eme année avec les simulateurs de la plateforme technologique) :
  20. La cybersécurité ;
  21. Les ordinateurs quantiques (au programme de la chaire ENSC/IBM) ;
  22. L’automatisation des procédés robotiques (cf. l’option de 3ème année) ;
  23. La personnalisation de masse et les micromoments ;
  24. Les impressions en 3D et 4D ;
  25. La nanotechnologie et la science des matériaux.
Voici une liste qui semble déjà bien remplie à l’ENSC, et qui donne plein d’idées pour collaborer avec l’ENSEiRB-MMK, l’Ecole de chimie (ENSCBP), l’Ecole des biotechnologies (ENSTBB), l’IOGS, et l’Institut Mines Telecom, dans un projet de rapprochement à reprendre par la nouvelle équipe de direction.

23 avril 2020

BIO : Ne nous plaignons pas des pangolins - Pour une vision écoépidémiologique.

Ne nous plaignons pas des Pangolins ni des chauves-souris, véritables souches à virus (voir ici). En effet, dans leur chronique pour une approche globale de la santé, les responsables de 14 organismes de recherche et d’universités fédérés par Allenvie (voir ici) précisent que les analyses génétiques du Sars-CoV-2 le rattachent au groupe des Betacoronavirus, et notamment montrent sa proximité avec le virus RaTG13, isolé sur une chauve-souris de la province chinoise du Yunnan,  à 60 kilomètres de Kunming, dans le sud-ouest de la Chine (77 % d’identité avec le Sars-Cov-2). Ils précisent qu’un virus encore plus proche a été récemment isolé chez le pangolin malais, qui peut infecter les cellules humaines (de 90% à 96%, voire 99 % d’identité avec le Sars-Cov-2 selon les publications - ici - et - là - ou encore - là - pour une revue), alors que le RaTG13 ne le peut pas. Cela suggère que le Sars-Cov-2 est issu d’une recombinaison entre deux virus différents, l’un proche de celui de la chauve-souris et l’autre plus proche de celui du pangolin (plus de précisions, voir ici).  L'épidémie de Sras qui a démarré en 2002 touchant 8000 personnes était déjà dû à un virus similaire qui s'était développé chez ces mammifères dans une grotte reculée de la province du Yunnan,Il était alors passé à l'humain par l'intermédiaire de la civette masquée, un petit mammifère carnivore.

« Une première leçon de ce constat sur les origines probables du virus est qu’il ne servirait à rien d’éradiquer les pangolins, ni les chauves-souris. Les virus de cette famille courent à travers toute la biodiversité des mammifères, laquelle comporte de nombreux porteurs sains », rappellent les scientifiques. Il est d’ailleurs absurde de « penser que la biodiversité représente un danger potentiel puisqu’elle héberge de nombreux pathogènes » et, bien que contre intuitif, c’est « tout le contraire ». En effet, d’une part « une grande diversité d’espèces hôtes potentielles ou effectives limite la transmission des virus par un effet de dilution » (voir l’explication ici d’un effet de dillution rencontré dans plus de 70% des cas), et d’autre part, « la diversité génétique propre à chaque espèce contribue à faire émerger des résistances de l’hôte à son pathogène, et donc limite aussi sa transmission ». Une récente étude d’une équipe de l’University of South Florida à Tampa (Floride, USA), publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (Pnas), et portant sur une méta-analyse de 202 études d’interactions hôtes/pathogènes, dont 47 espèces parasitaires n’affectant que les animaux et 14 touchant aussi l’homme, montre que l’hypothèse de l’effet de dilution n’est en rien une exception, mais semble au contraire la règle. Les organismes pathogènes feraient en effet plus de ravages lorsque le nombre d’espèces décroît dans le milieu (voir ici le débat). De nombreux travaux scientifiques récents montrent ainsi que de la qualité de la biodiversitédépend la qualité de la santé, d’où le concept de One Health, et que l’éradication des espèces vecteurs supprime l’effet de dillution et aggrave la situation sanitaire humaine.
La biodiversité amoindrit en effet les ravages causés par un parasite, et ce dans tous les contextes écologiques : microparasitee (virus, bactéries, champignons, etc.) ou macroparasites (vers nématodes, trématodes, etc.), cycles de vie soit plus ou moins complexes implicant un nombre plus ou moins grand d’espèces hôtes, et cela aussi bien pour les espèces animales (agriculture, chasse, médecine vétérinaire) ou l’homme (médecine humaine). C’est ainsi que « le déclin de la biodiversité qui, en réduisant les populations d’hôtes et, ce faisant, la probabilité d’apparition des résistances, augmente les risques de transmission des pathogènes et l’émergence des maladies associées ». Donc pour se protéger des virus, protégeons les souches à virus car, plus nombreux elles sont, plus elles nous protègent, pour peu qu’on les laisse tranquilles. Et là, et un second problème.
Voici le scénario que les auteurs de la tribune rapportent et qui a amené à la diffusion du virus. Alors que les chauves-souris et les pangolins n’ont aucune raison d’être en contact direct entre eux, et très peu de chances d’être en contact directement rapproché avec les hommes, c’est le fait de les chasser et de les concentrer sur des marchés qui a permis « le passage de la chauve-souris au pangolin, puis du pangolin aux humains ». Ainsi le coronavirus de la chauve-souris qui n'est pas transmissible à l'homme a bénéficié de la proximité des chauves-souris captives en contact avec des pangolins eux-mêmes captifs au même endroit. Deux hypothèses, soit il s'agit d'une mutation du virus de la chauve-souris àpar le passage par le pangolin, soit plus probablement il s’agit d’une chimère entre deux virus préexistants, qui a acquis des propriétés  de capacité à pénétrer les cellules humaines (voir ici).
Alors que ces espèces animales sont strictement protégées, et que leur commerce est évidemment interdit, on constate que la consommation de leur viande et l’incorporation de certaines parties (ailes, écailles…) dans les préparations de médecine traditionnelle asiatique sont les raisons principales de cette hécatombe, et de l’augmentation des contacts avec les humains. Il y a là, évidemment des raisons traditionnelles, mais elles sont amplifiées par de véritables trafics mafieux probablement en réponse à des effets de mode et de défiance de la médecine moderne au bénéfice des nouvelles industries des médecines alternatives, ainsi que des remontées des croyances et d’un mouvement global mondial de négation et de refus de la science.
Les conséquences de ce constat sont multiples, avec en premier lieu la mise en œuvre de politiques résolues ; c’est « une nécessité de santé publique » alertent les signataires de la chronique du Monde. Il faut d’urgence limiter « les activités humaines qui appauvrissent directement la biodiversité ». Cela ne se fera pas sans entreprendre une éducation globale des populations, de manière transculturelle, et surtout sans une revalorisation de l’image de la science (qui n’est pas bien aidée par les batailles de chiffonniers ni les pratiques individualistes de chercheurs maintenus en concurrence par des systèmes compétitifs d’appels d’offres ou d’évaluation de carrière). C'est à ce prix qu'un effort international de lutte contre les mafias pourra être efficace, par la chasse à l’institutionnalisation des comportements à risque et à la chute des demandes de marché noir, en engageant dès les plus jeunes âges de scolarisation au respect de logiques naturelles de préservation de la biodiversité.
Nous en sommes malheureusement encore loin, y compris dans notre pays.

22 avril 2020

BIO - SHS : Et revoilà la « One health » : les dirigeants des instituts de recherche pour une approche interdisciplinaire face au Coronavirus.



L’interdisciplinarité est un vrai champ de bataille. L’ENSC en est le témoin, construite à bout de bras malgré les ordres disciplinaires, les chapelles et les tuyaux d’orgue académiques ou des décideurs politiques nationaux, dont les rares partisans des transversalités sont également bien mal traités.
La crise actuelle n’échappe pas aux dogmatismes, aux luttes de clans et aux pouvoirs de telle discipline sur une autre, souvent dans la fausse modestie des mandarins et de leurs adeptes, partisans ou détracteurs.
Considérer que la recherche médicale n’est que médicale, que l’éthique n’est qu’une discipline de l’Ordre, des comités national, de l’Inserm ou locaux de protection des personnes, est une caractéristique bien ancrée de l’institution française. Elle repose d’ailleurs sur un monde histoirique et « dérogatoire » de facultés « dérogatoires » réunissant des professeurs à carrière « dérogatoire » pour des études « dérogatoires » menant à un doctorat « dérogatoire » : les diplômés en sont d’ailleurs, spécificité française, les seuls que l’on appelle « docteur » comme si les autres scientifiques n’en étaient pas vraiment digne du titre. Ces facultés regroupent d’ailleurs parfois des disciplines fondatrices d'autres facultés, de sciences ou de lettres et humanités, mais aux titres desquelles on adjoint explicitement les termes de « médicales », « biomédicales », parfois « humaines (!) », « de santé » ou autre astuce sémantique pour marquer la distinction, la différence, le non mélange. Les unités n’en sont souvent dirigées que par des spécialistes, docteur par ci, professeur par là, blouses blanches partout et toges toujours : statistiques médicales, informatique médicale, biologie humaine, neurosciences biomédicales, psychologie médicale, pédagogie médicale, médecine du sport, du travail, santé publique ... marquant d’autant la singularité de ce monde académique « dérogatoire ».
C’est dans Le Monde le 17 avril 2020 que des dirigeants « non médicaux » des plus grands instituts de recherche français et de quelques universités signent une tribune appelant fermement à l’interdisciplinarité et à une approche « One Health » que nous avions déjà discutée et appelée de nos vœux, ici, dans ce site (lien). Cette démarche « One Health » (voir l'article sur le site de l'Agreenium) promue par l’OMS et de grandes organisations internationales ne trouve paradoxalement qu’une attention condescendante en France. Or, selon ces illustres signataires, la pandémie actuelle « est étroitement liée à la question de l’environnement ». Hors de la clinique et de l’intervention urgente sur la vie des personnes qui méritent évidemment d’être sauvées ou dont l'avenir doit être préservé, et pour lesquels l'hôpital universitaire est le meilleur endroit, la Santé ne peut être traitée de manière parcellaire par les seuls médecins. Les signataires rappellent que c’est « une perturbation humaine de l’environnement, et de l’interface homme-nature, souvent amplifiée par la globalisation des échanges et des modes de vie, qui accélère l’émergence de virus dangereux pour les populations humaines », et donc pour les individus qui les composent, « par recombinaison entre virus d’espèces différentes ».

Le constat est dur, il est également clair : en France, le débat scientifique et les orientations politiques de la réponse à la crise sont littéralement raptés par certains, dans un oubli quasi total des disciplines concernée et souvent rompues à croiser les approches, à collaborer et à promouvoir une interdisciplinarité globale. Les conflits rapportés par la presse, qui monopolisent la place publique, sont par exemple ceux qui opposent les Horaces et les Curiaces de la méthode, les fanatiques de l’« Evidence Based Medicine » (EBM) aux partisans des approches réalistiques (voir ici dans ce site). Selon les signataires, « il est paradoxal de constater que les études de médecine et de pharmacie continuent d’ignorer largement la biologie de l’évolution, et que celle-ci est récemment devenue facultative pour les deux tiers d’un parcours scolaire de lycéen », alors que l’approche One Health « doit devenir une priorité pour une recherche interdisciplinaire brisant les cloisonnements, encore trop présents, entre le monde biomédical et celui qui se consacre aux sciences de l’environnement ».
Afin de gérer cette crise, de s’inspirer des connaissances issues de précédentes et d’anticiper « celles qui ne manqueront pas de survenir », il est nécessaire, de recourir à une véritable  « écologie de la santé » prenant en compte à la fois « les écosystèmes, les pratiques socioculturelles et la santé des populations humaines, animales et végétales » considérées comme un tout et des problématiques indissociables. « Cela implique, enfin, de tirer les conséquences pratiques et politiques des connaissances que l'écologie de la santé nous apporte sans attendre la prochaine crise », concluent les signataires qui semblent, représentants majeurs de la recherche en France, sifflet la fin d’une partie qui se joue manifestement sans eux, de manière tuyautée et fermée, entre des courants du pouvoir politique et des écoles de pensée d’un monde « dérogatoire » bien français.
Un regret, un manquement dans cette démarche : l’absence notoire des SHS, avec notamment pas de sociologie ou d’anthropologie, de psychologie, de sciences économiques ou de philosophie, et bien d’autres encore qui trouveraient leur place avec grande pertinence dans la démarche « One Health » : « une seule santé ». Une remarque finale : une démarche de grands scientifique fédérés par l'alliance nationale pour l'environnement ; quelle position entend adopter Aviesan, l'alliance nationale pour la santé, jusqu'ici bien silencieuse sur l'urgence de l'interdisciplinarité dépassant le monde médical ?
Les signataires sont fédérés par l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement AllEnvi :
alliance AllEnvi ;
direction de de la recherche fondamentale du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (Cea) ;
Muséum national d’histoire naturelle (Mnhn) ;
Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) ;
direction scientifique de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) ;
Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) ;
direction scientifique de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (Irsn) ;
Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inra-e) ;
Bureau de recherches géologiques et minières (Brgm) ;
Météo France (MF) ;
Institut écologie & environnement (Inee) du CNRS ;
Institut de recherche pour le développement (Ird) ;
présidence de l’université Gustave-Eiffel (Paris Est) ;
présidence de l’université de La Rochelle.

Retrouvez ici la déclaration complète publiée sur le site du Muséum National d’Histoire Naturelle et la tribune sur le site du journal Le Monde.

19 avril 2020

IA : Moore après Moore.

Le 19 avril 1965, dans une interview accordée à la revue Electronics Magazine, Gordon Moore, l’un des cofondateurs d’Intel, fait part d’une prédiction selon laquelle la complexité des puces allait doubler tous les ans. En 1975, il réévalue sa prédiction en précisant que le nombre de transistors sur une puce doublerait tous les deux ans. Depuis, cette hypothèse s’est vérifiée et popularisée au point d’être rebaptisée, par abus de langage, loi de Moore. Toutefois, depuis quelques années, la densification et la miniaturisation régulières des transistors sur des substrats en silicium rencontrent des contraintes nouvelles de taille. Néanmoins, la Loi de Moore ne semble pas éteinte et la recherche continue : MediaTek, société taïwanaise fabriquant des puces mobiles, conçoit aujourd'hui des processeurs gravés en 7 nanomètres, et travaillera "bientôt" sur le 5 nm ; une équipe de Berkeley arrive aujourd'hui à faire fonctionner un transistor d'un nanomètre (lien) pour des perspectives industrielles dans quelques années. L'autre piste est le changement de matière, avec des composants quasi-quantiques et des pseudo transistors à 7 atomes seulement. Trois étapes de miniaturisation des semiconducteurs, en 7, 5 et 3 nanomètres commencent à être maitrisées par IBM ou Samsung. Et la génération d’après se prépare tout en restant un mystère. En parallèle, l'IA permet de mieux tracer les composants, de les programmer de manière plus performante, et on envisage déjà une Loi de Moore après Moore qui s'inscrira dans la course à la performance à la fois structurale et fonctionnelle (lien).
Lire la suite (cela).
La Loi de Moore fête aujourd'hui son 55 anniversaire.
Petit rappel : il y a cinq ans, à l’occasion du 50e anniversaire de la loi de Moore, Intel a publié cette petite infographie souvenir.