Le principe de réfutabilité ou de falsifiabilité, proposé par C. Popper dans La logique de la découverte scientifique (1934), permet de distinguer les hypothèses scientifiques des hypothèses des fausses sciences, religions ou superstitions. Un récent article de Robert Matthews (Do we need to change the definition of science?, New Scientist, n°2655, 10 mai 2008, pp.44-47) relativise et propose un dépassement du principe. Aujourd’hui, beaucoup scientifiques se plaignent de ne pas oser formuler d’hypothèses audacieuses au prétexte que ces hypothèses ne seraient pas falsifiables. Comme le développait P. Feyerabend dans sa thèse d’anarchisme méthodologique, i l ne faut pas brider l’imagination. Les chercheurs constatent souvent qu’après quelques années, leurs hypothèses auraient pu être vérifiées grâce aux progrès de l’instrumentation ou du calcul.
R. Matthews propose un raisonnement bayesien, faisant appel aux probabilités et utilisé dans l'évaluation de l'incertitude. La « vérité » ou « plausabilité » d’une hypothèse est fonction du nombre de preuves qui jouent en sa faveur. Il ne s’agit pas des seules preuves expérimentales obtenues en fonction de l’état actuel des instruments, mais de probabilités de preuves susceptibles d’être obtenues dans l'avenir. On ne cherche plus la falsifiabilité mais la plausibilité d’une hypothèse, en accumulant le plus de preuves ou probabilités de preuves en sa faveur. Plus l’hypothèse est prouvée, plus elle sera considérée comme plausible. Mais elle ne sera pas rejetée si un certain nombre d’expériences la contredisent et devient crédible lorsqu'elle repose sur plus de 50% de preuves favorables.
Pour choisir entre des théories rivales, c’est la théorie qui présente le plus fort pourcentage de résultats favorables actuels, ou la plus forte probabilité de résultats favorables futures, qui sera retenue. Une théorie peut dès lors être considérée comme scientifique en termes bayésiens, lorsque c’est elle qui est la plus compatible avec le plus grand nombre d’observations expérimentales conduites, non à son propos, mais à partir des théories sous-jacentes.
Commentaire in The NewScientist du 11 juin 2008.