La spintronique est une nouvelle branche de l'électronique. Elle est basée sur l'exploitation du spin des électrons, c'est à dire sur leur rotation, et non plus sur leur charge. Pour rappel, le spin d'un électron est une des propriétés des particules quantiques, au même titre que la masse ou la charge électrique. Il correspond à la fois à une magnitude (vitesse de rotation de la particule), mais également une direction (direction de l'axe de rotation de la particule). Cette dualité du spin est à l'origine de la propriété quantique de la particule, car il ne peut prendre que des valeurs entières, ce qui définit un boson, ou demi-entières, ce qui définit un fermion. Le spin des électrons correspond donc en quelque sorte au sens de la rotation des électrons sur eux-mêmes ; celui-ci peut prendre deux directions, soit «en haut» soit «en bas», c'est-à-dire aux deux sens de rotation de l’électron autour de son axe ou à l'orientation de cet axe de rotation, up ou down.
L'exploitation du spin des électrons permet en théorie de concevoir des puces électroniques plus rapides et économes en énergie. Mais pour réaliser de tels circuits, il faut contrôler le spin sans que les autres paramètres de l’électron n’interfèrent dans le processus.
C'est une équipe scientifique de l’Ecole Polytechnique de Lausanne (
EPLF), en collaboration avec notamment, l’Université de Paris-Sud, le Paul Scherrer Institut (
PSI), qui a découvert que certains matériaux isolants traditionnels ne sont pas altérés par la charge et s’avèrent ainsi être de parfaits conducteurs spintroniques (voir l'
info ici).
Il s’avère donc possible d’utiliser ces deux directions du spin pour encoder des informations, comme on le fait avec le code binaire, mais pour cela, il faut des matériaux spécifiques développés justement par le consortium des chercheurs. Les travaux ont également montré que le gaz électronique présent à la surface du titanate de strontium (SrTiO3) a un spin polarisé, c'est-à-dire qu’il peut être utilisé pour contrôler le spin des électrons.
Au delà de l'aspect technique, cette nouvelle technologie ouvre la voie à une génération révolutionnaire d’appareils combinant les principes de la microélectronique traditionnelle à des effets quantiques, et repoussant ainsi les limites de l’électronique vers l'ordinateur quantique.
Santander-Syro AF., Fortuna F., Bareille C., Rödel TC., Landolt G., Plumb NC., Dil JH, Radović M. Giant spin splitting of the two-dimensional electron gas at the surface of SrTiO3. Nature Materials DOI: 10.1038/nmat4107.
Landolt G, Schreyeck S, Eremeev SV, Slomski B, Muff S, Osterwalder J, Chulkov EV, Gould C, Karczewski G, Brunner K, Buhmann H, Molenkamp LW, and Dil JH. Spin texture of Bi2Se3 thin films in the quantum tunneling limit. Phys Rev Lett 112, 057601. DOI: 10.1103/PhysRevLett.112.057601.
Xu N, Biswas PK, Dil JH, Dhaka RS, Landolt G, Muff S, Matt CE, Shi X, Plumb NC, Radović M, Pomjakushina E, Conder K, Amato A, Borisenko SV, Yu R, Weng H-M, Fang Z, Dai X, Mesot J, Ding H, Shi M. Direct observation of the spin texture in strongly correlated SmB6 and experimental realization of the first topological Kondo insulator. Nature Communications 30 July 2014, DOI: 10.1038/ncomms5566.