Le Face swapping (l’échange de visages) n’est pas qu’un petit groupe d’utilisateurs de Flickr qui s’amuse avec les images, mais c’est désormais un logiciel qui modifie des parties de visages depuis une bibliothèque d’images, comme l’ont expliqué ses concepteurs dans leur étude (.pdf) présentée au dernier Siggraph (vidéo). Le logiciel substitut aléatoirement des éléments du visage d’une photo en puisant dans une banque d’image : une bouche par-ci, un nez par là, permettant par exemple de conserver votre allure générale tout en modifiant votre apparence de détail. Le système pourrait être utilisé pour ‘obscurcir’ (à sa manière) des visages de témoins d’un crime, de personnels militaires, d’une foule, etc. Le logiciel est également capable de modifier un groupe de visages depuis une batterie de photos prise au même moment afin que tout le monde sourie sur une photo de groupe.
Pour ses concepteurs, le logiciel repose sur un principe d’obfuscation plus séduisant que le floutage (ce qu'utilise Googe massivement pour anonymiser les visages dans StreetView), la pixelisation ou le masquage que l’on connaît par ailleurs, car il ne diminue pas l’attrait visuel de l’image. Reste que pour obfusquer des images avec ce système, il faut encore que d’autres ne publient pas les originaux pour vous. Via Keven Kelly et le New Scientist.
Dans la continuité, le New Scientist a publié un dossier sur l’avenir de la photographie (2e partie), recensant une somme d’innovations qui vont améliorer nos pratiques de la photographie en modifiant les capacités techniques de nos appareils photos. Systèmes permettant d’éviter les flous liés aux mouvements (en faisant que l’objectif compense le mouvement des personnages, en bougeant dans le sens de leur déplacement), systèmes permettant d’éviter les éblouissements, systèmes permettant d’améliorer les photos que vous prenez (sans avoir à passer par un logiciel), systèmes permettant de créer une photo de groupe réussie depuis plusieurs photos prises en rafales… La recherche n’est pas en reste pour essayer de compenser les failles de la réalité.
La retouche d’image se popularise disions-nous récemment. Les travaux d’André Gunthert, directeur du Laboratoire d’histoire visuelle contemporaine, nous rappellent fort heureusement que l’absence de retouche sur les photographies tient, depuis l’origine, plus du mythe que de la réalité.
Reste encore à comprendre comment notre perception de la réalité, de la preuve, va être altérée par le développement de ces ‘technologies de l’artefact’, comme les désigne le chercheur en Sciences de l’information et de la communication, Olivier Ertscheid. Par technologies de l’artefact, entendons des systèmes socio-techniques capables de créer des ‘représentations volontairement altérées et artificielles de la réalité dans une recherche (une ‘mimesis’) de la vraisemblance’. Il est sûr qu’avec l’avènement de la photographie qui calcule (computational photography), intégrée directement dans les appareils, nous allons désormais pouvoir prendre en photographie des choses que nous ne voyions pas jusqu’alors, et surtout, des réalités qui n’existent pas. Pas sûr, qu’à terme, ces systèmes techniques soient en mesure d’en apporter toujours les preuves ou les vérifications que nous sommes en droit d’en attendre.
Comme le dit encore André Gunthert, la photographie entre dans une nouvelle ère, change de nature, et risque dans les années à venir de devenir un média plus proche du cinéma, de la fiction, que du réel. En matière de photographie aussi, ‘la culture l’a emporté sur la nature, la réalité des usages sur la prédestination technique.’
(Ce texte est un relais d'article de Internet Actu.)