11 avril 2020

IA - TECH - BIO : Sur le tableau de bord Covid-19 de l’Université Johns Hopkins.

L'université privée Johns Hopkins (UJH) dispose de l’une des écoles de médecine des plus réputées du monde, en appui de l'hôpital du même nom. Fondée en 1876 à Baltimore (Maryland, USA) grâce à un don de plusieurs millions de dollars d’un magnat du chemin de fer, l’UJH arrive au 10° rang des universités des Etats-Unis (selon le dernier palmarès de l’U.S. News & World Report), et elle est particulièrement renommée en sciences médicales. Son école de médecine occupe la deuxième place juste derrière Harvard, avec un palmarès de 18 lauréats du prix Nobel de médecine, parmi les 37 de l’université, qui soit y ont été formés soit y ont enseigné. Pour donner une idée de l’excellence, qui aux USA se paie toujours rubis sur l’ongle, voici les tarifs des droits d’inscription (voir ici). Voilà de quoi, peut-être, privilégier une forme d’originalité nationale française qui produit des médecins prodiguant une médecine moins prestigieuse mais de fonctionnaires et pseudo-fonctionnaires de grande qualité, salariés de fait par une sécurité sociale exigeante mais détentrice de la réglementation des tarifs du soin.
Si l’hôpital Johns Hookins et son école de médecine sont en plein centre-ville de Baltimore, le campus principal de l’université est situé en périphérie, au milieux de grands parcs. Et c’est paradoxalement là qu’est née la carte interactive la plus célèbre du moment : sa carte interactive de référence de l'évolution de la pandémie de Covid-19 suivie jour après jour depuis le 22 janvier 2020. Reconnue comme l’une des meilleures sources mondiales, suivie par les politiques du monde entier, et entre autre par les chercheurs concernés par le Covir-19 et les experts des santé publique, cette base de données est issue au départ de presque rien à l’initiative de Lauren Gardner, professeur associé en génie civil à l’IJH, et de Ensheng Dong, une de ses étudiantes chinoises. Déjà formées à la modélisation des épidémies de rougeole et du zika, elles ont commencé à travailler sur la diffusion du virus Sars-Cov-2 en janvier, alors que l'épidémie était limitée à la Chine (voir son interview dans  Science). L'équipe compte aujourd’hui une douzaine de chercheurs et techniciens, et les informations sont réactualisées chaque heure, jour et nuit, sept jours sur sept. Gageons que cette équipe adepte de l’efficacité et de la gratuité sera soutenue par l’une des facultés les plus riches du monde, même s’il ne s’agit pas de médecins.

BIO : Plasticité compensatoire favorable facilitant une fonction cognitive.

La plasticité cérébrale n’a pas fini de nous interroger et l’on la sait caractérisée par de multiples facteurs. Ainsi semble-t-il que cette plasticité soit opérante en terme compensatoire, lors d’atteintes cérébrales de supports réputés nécessaires à l’expression d’une fonction cognitive, mais à la condition que cette atteinte intervienne avant un âge spécifique à chacun des systèmes, pendant une sorte de « fenêtre de plasticité ». Au-delà de cette période, la compensation est difficile, voire impossible. Le cas d’une jeune américaine interroge cependant les scientifiques et pose à la fois des problèmes de compréhension de cette plasticité mais également sur sa signification biologique, notamment au niveau de son intérêt évolutionnaire.
Cette jeune patiente, aujourd’hui âgée de 14 ans, est née sans hémisphère gauche. En fait, l’hémihydranencéphalie telle qu’elle est décrite dans les cas publiés dans la littérature médicale, montre que les enfants concernés naissent avec deux hémisphères mais que l’un d’eux est détruit dans les premières mois de vie. Cette atteinte provoque des handicaps et toute une série de déficits que l’on étudie précisément avec des tests spécialisés. Ici, les parents se sont appercus du problème vers l’âge de 7 mois, suite à des problèmes moteurs et de préhension réflexe unilatérale. À 10 mois, l’IRM cérébrale montrait déjà l’absence totale d’hémisphère gauche, l’hémisphère droit étant de volume normal. L’examen neurologique révélait un déficit moteur de la main droite et du membre inférieur droit, une suppression de la vision du champ visuel droit des deux yeux. Depuis, la jeune fille est devenue gauchère, incapable d’établir des substitutions sensori-motrices suffisantes (hémiparésie droite et champs visuels droits déficitaires des deux yeux).
Au plan étiologique, l’hémisphère cérébral gauche ne s’est donc pas développé et a même involué du fait d’une occlusion de l’artère carotide gauche survenue très tôt au cours du développement. Pour rappel, le système carotidien est constitué de l’artère carotide commune, issue pour l’hémisphère gauche de l’aorte, puis se divise en deux artères. La branche carotidienne externe irrigue l’ensemble de la face et du scalp, l’artère carotide interne concerne le cerveau antérieur, notamment le système cortical, les yeux, l’oreille interne... C’est de cette branche interne dont ils s’agit dans le cas cité, l’hémisphère non développé ayant été remplacé par du liquide céphalo-rachidien. Il faut rappeler que, dans la très grande majorité des cas, sauf chez de très rares gauchers dits purs, les fonctions langagières sont supportées par l’hémisphère gauche, tant en ce qui concerne la production phasique (aire de Broca) que la compréhension (aire de Wernicke). Les principales pathologies du langage sont d’ailleurs les conséquences d’atteintes de l’hémisphère gauche. Le test de Wada est spectaculairement démonstratif de la relation étroite des territoires et fonctions du langage avec l’irrigation carotidienne interne (injection intra-carotidienne interne d’amytalsodium).
Une équipe de neuropsychologues et neurologues ont pu suivre cette jeune patiente de l’âge de 14 mois jusqu’à aujourd’hui, soit sur près de 13 ans. Les résultats ont été publiés le 29 février 2020 dans la revue Cortex par une équipe multicentrique de Californie, Iowa et Illinois.
Les données relevées se sont affinées avec l’âge et l’acquisition des performances et des compétences langagières et cognitives, en même temps qu’étaient étudiées par IRM la structure et l’activité de l’hémisphère droit. Les chercheurs se sont notamment interessé à la connectivité au sein de la substance blanche et ont pu repérer comment les réseaux se sont organisés au cours du développement. Les examens d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ont permis d’étudier la localisation de l’activité cérébrale pendant les tests de langage, permettant d’étudier à la fois les zones corticales impliquées mais également les faisceaux de substance blanche de l’hémisphère droit associés au traitement du langage. Toutes ces données ont été référées à celles des enfants normaux et plus particulièrement à celle de son jeune frère, pour la proximité génétique et le milieu d’évolution, ainsi qu’avec celles relatives à 3 cas d’enfants ayant été victimes d’un accident vasculaire cérébral périnatal.
Si pendant la période préscolaire, la fillette a d’abord présente un retard d’acquisition du langage, notamment en vocabulaire et en syntaxe, elle a ensuite acquise tout au long de sa scolarité des compétences langagières décrites comme remarquables. Certaines des dimensions du langage sont supérieures à la normale pour son âge, d’autres sont exceptionnellement élevées, en phonologie et décodage des mots, dépassant constamment les compétences des enfants n’ayant pas d’anomalie de développement. Ces performances posent d’ailleurs le problème d’existence de facteurs limitants chez les sujets normaux dont se serait affranchi le cerveau unilateralisé, alors que pourtant les trois enfants ayant subi un AVC gauche en période périnatale n’ont pas rattrapé leur retard. 
Les compétences en raisonnement spatial, en calculs de difficulté croissante, en mathématiques ou en tâches de complétion de dessin sont préservées, et sont mêmes pour certaines au dessus de la moyenne.
Les études neurofonctionnelles (IRMf) montent une substitution des fonctions habituellement latéralisées à gauche sur l’hémisphère droit, et le volume des fibres longues de la substance blanche (faisceau arqué) connectant à des zones impliquées dans le traitement du langage dans l’hémisphère droit est plus important que dans l’hémisphère droit ou gauche d’enfants normaux.
Les auteurs émettent l’hypothèse que la plasticité cérébrale est donc à examiner selon la fonction substituée, la patiente n’ayant pas récupéré ses fonctions motrices. Ils pensent que l’acquisition des performances préservées a été même favorisée par des processus dont il faudra faire la part entre les rôles respectifs de la génétique, de l’environnement enrichi dans lequel vivent ses deux enfants, et de causes purement neuro-pathologiques.
Il serait intéressant de resituer le cas de cette meilleure aptitude liée à une levée d’inhibition par l’hémisphère manquant, dans le cadre de la logique du bénéfice biologique, ainsi que de comprendre l’intérêt évolutionniste d’une telle inhibition dans un intérêt adaptatif. Pourquoi un sujet serait-il handicapé dans un état normal par rapport à une pathologie habituellement considérée comme délétère pour l’espèce, sauf dans un cas favorable à l’évolution, ce qui n’est pas le cas ici. Il est important d’examiner la question de l’utilité adaptative de cette meilleure performance de manière compensatoire du handicap d’autres fonctions. 
Ces résultats vont néanmoins dans le sens d’une distinction de fonctions au sein de l’encéphale, et d’une différence des processus de compensation selon cette distinction. La cognition est donc plus à considérer comme un ensemble de fonctions, supportées habituellement par des systèmes neuronaux, mais que d’autres peuvent ou non compenser de manière spécifique pour chacune d’elles.
Quoi qu’il en soit, cette étude montre l’extrême pouvoir d’adaptation du cerveau en évolution chez l’enfant et ses capacités à transférer sur d’autres structures des capacités de support de fonctions nécessaires à une vie quotidienne adaptée de la manière la plus performante au bénéfice de l’expression de ces fonctions.

L : gauche. Séquences IRM. Coupes coronales, axiales et sagittales. Patiente de 14 ans (C1). Asaridoua SS, et al. Cortex. 29 Feb 2020.

Asaridou SS, Demir-Lirab OC, Goldin-Meadow S, Levine SC, Small SL. Language development and brain reorganization in a child born without the left hemisphere. Cortex. Available online 29 February 2020

07 avril 2020

BIO - SHS : Les relations étranges entre addiction aux jeux et dépression.


06 avril 2020

IA : L’intelligence des machines à calcul.


En octobre 1950, le mathématicien anglais Alan Turing publiait dans la revue « Mind » un article majeur intitulé « Computing machinery and intelligence.» (Mind, 59, 433-460, 1950). Cet article est aujourd’hui considéré par certains comme l’acte de naissance de l’intelligence artificielle. C’est dans ce fameux article que Turing évoqua pour la première fois le test qui porte son nom et qui consiste, par l’intermédiaire d’un dispositif électronique, à faire dialoguer un être humain alternativement avec deux interlocuteurs, l’un humain et l’autre artificiel. Selon Turing, le jour où l’expérimentateur humain, au terme d’une conversation non préparée, sera incapable de dire s’il a affaire à un interlocuteur humain ou électronique, on pourra alors considérer que les ordinateurs seront devenus véritablement intelligents.
Près de 70 ans passés, les scientifiques et ingénieurs tentent toujours de décrocher ce « Graal » que constitue la première machine intelligente « au sens de Turing ». Dans ces dernières années, une étape décisive a été franchie lorsque l’ordinateur Watson d’IBM a gagné aux États-Unis contre des humains la grande finale du jeu Jeopardy, un jeu nécessitant de très bonnes qualités d’association et de raisonnement portant sur des connaissances de culture générale considérées comme ouvertes, et donc jusqu’ici spécifiquement humaines. Une nouvelle étape a consisté en 2016 pour AlphaGo, développé par Google DeepMind, à battre l’un des meilleurs joueurs mondiaux, et l’année suivante de confirmer l’exploit contre le champion du Monde de la discipline. La machine qui s’était entraînée contre elle-même, a même inventé une nouvelle stratégie qui a désarçonné les experts, stratégie qui est aujourd’hui étudiée et enseignée par les spécialistes de ce jeu millénaire.
L’industriel IBM, titulaire de la chaire « sciences et technologies cognitiques » de l’ENSC, est l’un des acteurs mondiaux de l’aventure vers les machines intelligentes. Il a ainsi continué à perfectionner Watson, lui permettant d’être reconnu au meilleur niveau dans la résolution de problèmes complexes nécessitant  de nombreuses inférences heuristiques sur des données non structurées, et pour lesquels la puissance informatique brute n’est pas suffisante. IBM parle pour cela d’un accès à une nouvelle « ère cognitive ». C’est notamment dans le domaine des données médicales que Watson a permis aux meilleurs centres de recherche permettant de recruter des patients pour de nouveaux essais cliniques afin d’accélérer le testing des diagnostics, des traitements et de l’échange des dossiers médicaux.
L’évolution de Watson s’oriente maintenant vers celle de ses composants électroniques et IBM propose des microprocesseurs réellement neuro-mimétiques, afin de pouvoir rivaliser avec le cerveau humain tout en s’en inspirant. Ce programme de recherche, SyNAPSE (Systems of Neuromorphic Adaptive Plastic Scalable Electronics), a été lancé en 2008 mais porte aujourd’hui ses fruits en tant que première réalisation. Un microprocesseur spécifique, la puce « TrueNorth » développée par la marque, comporte par exemple un million de neurones artificiels dotés chacun de 256 synapses, soit 256 millions de synapses,  en intégrant 5,4 milliards de transistors. Chacun de ces neurones artificiels est pourvu d’une mémoire permettant de gérer les priorités de chacune des connexions. Selon IBM, il s’agit de l’un des composants électroniques les plus complexes et les plus sophistiqués jamais réalisés : un première ébauche de l’élément de base d’un futur ordinateur « neuromorphique », directement inspiré de la structure et du fonctionnement du cerveau.
Les « neuroprocesseurs » représentent une véritable rupture technologique pour ce qui est de la performance, en s’affranchissant d’une imitation programmée sur ordinateurs classiques. Ils sont surtout plus rapides en disposant des propriétés des systèmes parallèles, mais surtout permettent de consommer 1000 fois moins d’énergie qu’une puce traditionnelle de puissance équivalente. 
Pour IBM, l’effort ne se limite pas là puisque le calculateur neuromorphique associe 16 puces « TrueNorth » entre elles, groupées par quatre fois quatre, ce qui représente au total l'équivalent de 16 millions de neurones et donc de plus de quatre milliards de synapses. Nous sommes encore loin du cerveau humain mais pouvons commencer à envisager la simulation de certaines aires ou structures fonctionnellement spécifiques. Une telle architecture est cependant déjà capable, selon IBM, d’effectuer 46 milliards d’opérations synaptiques par seconde et par watt. Le but est de permettre de doter le plus grand nombre de la puissance embarquée d’un cerveau artificiel, pour une IA collaborative, alors que nous n’avons aujourd’hui accès qu’à des puissances des calcul 120 millions de fois supérieures à celles utilisées pour une mission Apollo.
La firme Apple s’est lancée dans une autre perspective de l’augmentation humaine par l’IA. À partir du développement de ces « neuroprocesseurs », les créateurs de SIRI, l'assistant vocal de la firme,, ont lancé un nouveau défi en fondant la société Viv Labs dont l’ambition est de concevoir un programme capable de répondre à toutes les questions que l'on peut lui poser en langage naturel (enfin, ici en anglais). Viv Labs a récemment été rachetée par Samsung, ce qui montre l’intérêt que porte l’industrie à la problématique de la compréhension artificielle. La résolution de ce type de problème associe à la fois la puissance de calcul, mais également l’accès ultra rapide à toutes les bases de données disponibles, avec des algorithmes permettant de les traiter et surtout d’en extraire très rapidement les informations pertinentes qu’il faudra mettre en perspective afin de donner du sens à une réponse par rapport aux attente du demandeur. Ce type de réponse nécessite de dépasser la problématique de la puissance de calcul des microprocesseurs puisqu’il faudra également apprendre à réorganiser selon de nouvelles logiques les bases de données et de connaissances.
Dans le domaine de la prospective, Ray Kurzweil, directeur de l’innovation scientifique chez Google, est persuadé qu’à l’horizon 2045 les ordinateurs seront devenus aussi intelligents que les êtres humains dans presque tous les domaines.
Dans cette attente, force est de constater le rapprochement de plus en plus réussi des machines et du cerveau, permettant d’envisager une ère nouvelle de cognition naturelle augmentée par l’intelligence artificielle. La révolution de l’IA embarquée permet déjà de disposer de terminaux intelligents, branchés sur des vêtements, des lunettes, des montres, des vélos, des automobiles dotés chacun d’une puissance de calcul parallèle incommensurable, et qui permettent d’envisager l’émergence d’une nouvelle cognition partagée entre cerveau naturel et systèmes collaboratifs de cerveaux artificiels.

BIO : Mais qu’est-ce que c’est que ce virus ? À propos du SARS-CoV-2.

Un récent rapport (2020-SA-37) de l’ANSES fait le point sur cette question. Saisie en urgence par le gouvernement sur certains risques liés au COVID-19, l’Agence Nationale de Sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’Environnement et Santé au travail propose une claire et intéressante mise au point sur le sujet accessible aux non spécialistes ayant une petite culture biologique.
La maladie respiratoire aiguë, hautement contagieuse et potentiellement mortelle "Covid-19" (COronaVIrus Disease apparue en 2019) est due à une infection des voies respiratoires de l’homme par le virus initialement désigné par l’OMS virus "2019-nCoV" (New COrona-Virus in 2019), et depuis le 11 février 2020, "SARS- CoV-2" (Severe Acute Respiratory Syndrome COronaVirus numéro 2 - second documenté dans la classification internationale de l’OMS après celui décrit en 2003 comme SARS-CoV, qu’il ne faut pas confondre avec celui dont on parle aujourd’hui).
Les coronavirus (CoVs) sont des virus de la famille des Coronaviridae qui appartiennent à l'ordre des Nidovirales

Virus : Un virus (du latin « virus » signifiant « poison ») est une entité biologique originale, de dimension microscopique (généralement inférieure à 250 nanomètres) qui ne vit et ne se reproduit que grâce une cellule hôte dont il colonise l’appareil génétique pour profiter de ses propres caractéristiques et capacités de réplication de l’ADN. Le virus peut exister sous deux formes selon qu’il est libre (extracellulaire) ou intégré à l’intérieur d’une cellule hôte contaminée (intracellulaire). 
De manière générale, les virus sont constitué d’une molécule d’ADN ou d’ARN directement réplicable (génome viral) protégée par une coque de protéines (« capside » : du grec « capsa » signifiant « boite »). La capside peut être tubulaire (hélicoïdale) ou polyédrique (isocaedre). Une enveloppe peut parfois recouvrir ces deux éléments (« péplos » du grec « manteau »), constituée d’un ensemble complexe de glucides, lipides et protéines. Le génome viral peut être composé d’un simple brin (monocaténaire) ou de deux (bicaténaire ou à double brin). De manière générale, le peplos, et à moindre dimension la capside sont des lieux de fragilité du virus, les plus résistants restant ceux qui ne sont constitués que d’ADN (ou d’ARN) libre.
Tous les êtres vivants peuvent être affectés par des virus, néanmoins sur plus de 5000 espèces de virus décrites, moins de 130 sont pathogènes pour l’homme. La prévention (stratégies barrières) et la vaccination sont les seules méthodes connues pour combattre les virus de manière préventive. La vaccination consiste à implanter volontairement (intoxication) des particules virales inactivées ou atténuées de manière infraliminaire (en dessous d’un seuil connu de toxicité) au sein d’un organisme afin de lui permettre de produire naturellement des anticorps et ainsi lutter contre le virus cible. Chaque vaccination est spécifique à une espèce de virus.

Coronavirus : Ce sont des virus enveloppés dont la taille varie de 60 à 220nm et dont le génome viral est une molécule d’ARN monocaténaire (Nidovirus) directement traduite par l’appareil métabolique de la cellule hôte. Ces coronavirus occupent une position particulière en virologie de par leur taille importante (60-220 nm), leur forme (sphérique) et leur aspect particulier en couronne ("corona" en latin). Leur nom vient en effet de cet aspect de l’enveloppe externe (péplos), vue en microscopie électronique, qui semble porter en surface des sortes de protubérances semblables à de petits clubs de golf. Cette enveloppe renferme en effet des protéines de surface dites "S" (pour Spike, spicule) dont une moitié externe forme ces protubérances. Une autre caractéristique remarquable de ces coronavirus est que la chaine monocaténaire de leur ARN génomique est très longue, comptant de 27 000 à 33 000 bases (pour rappel, 4 bases azotées de l'ARN sont l'Adénine, la Guanine, la Cytosine et l'Uracile (remplaçant la Thymine de la chaîne d'ADN).
On connaît quatre genres de coronavirus : alpha (αCoV), beta (βCoV) gamma (ƔCoV) et delta (ẟCoV). Les ƔCoV, ẟCoV sont responsables d’infections d’espèces aviaires (oiseaux) et les αCoV, βCoV, ƔCoV concernent les mammifères.Les coronavirus humains connus appartiennent aux genres αCoV (HCoV-229E et HCoV-NL63) et βCoV (HKU1, HCoV-OC43, SARS-CoV, MERS-CoV et SARS-CoV-2). Les maladies induites concernent principalement le système digestif ou le système respiratoire.

Betacoronavirus : Ce genre viral très présent chez les animaux est subdivisé en cinq sous-genres : Embecovirus, Hibecovirus, Merbecovirus, Nobecovirus, et Sarbecovirus auxquels appartiennent les SARS-CoV : SARS-CoV découvert en 2003 et SARS-CovV-2 découvert en 2019. Les chauves-souris représentent le principal réservoir naturel des Alphacoronavirus et Betacoronavirus. Elles constituent le groupe de mammifères hébergeant le plus grand nombre de coronavirus. 

Origine et barrière des espèces : Le SARS-CoV-2 appartient à un groupe de plusieurs dizaines de coronavirus de chauves-souris spécifiques (du genre Rhinolophus) et diffère des tous les Betacoronavirus retrouvés chez les animaux domestiques de rente (élevage, trait, courses ...) ou de compagnie, parfaitement connus et documentés par les vétérinaires. Au niveau de son origine probable, son génome est quasiment identique (à 96,3%) à celui du virus RaTG13/2013 retrouvé chez une chauve-souris Rhinolophus de Chine. L'évolution de ces virus a conduit à l’émergence en 1990 de « SARS-like », à la suite de quoi plusieurs recombinaisons ont eu lieu entre un Betacoronavirus de ce groupe « SARS-like » et d’autres Betacoronavirus Sarbecovirus (des rhinolophes), ce qui a été également trouvé chez le pangolin chinois connu pour avoir contribué à la mutation vers le génome actuel du SARS-CoV-2.
Trois évènements évolutifs semblent avoir conduit à l’émergence des souches du SARS-CoV vers 2002, du MERS-CoV vers 2012 et du SARS-CoV-2 en 2019, avec un intervalle latence de deux décennies, ce qui tend à montrer que le franchissement de la barrière d’espèce, s’il est possible et a amené l’évolution actuelle, n’est pas un phénomène fréquent et très accidentel. Il est donc peu probable en l’état des choses, que le virus puisse muter à court terme et être transmis de l’homme à une autre espèce (un cas de chien suspect est actuellement étudié à Hong Kong mais semble montrer que la présence du génome du virus ne correspond pas à une forme vivante ou active du virus).

Voies respiratoires et digestives : La présence de symptômes gastro-intestinaux chez certains malades a fait poser l’hypothèse d’une voie de transmission du SARS-CoV-2 par voie digestive. La pénétration intracellulaire du virus nécessite la présence d’un récepteur spécifique (ACE2, pour Angiotensin-Converting Enzyme 2) des SARS-CoV et SARS-CoV-2. Sans ACE2, pas d’entrée du virus dans les cellules. Ce récepteur s’exprime dans les cellules de l'œsophage supérieur, du poumon, du rein, des testicules et les cellules épithéliales de l’intestin (entérocytes de l’intestin grêle). L'expression de l'ACE2 dans différents types cellulaires peut expliquer une infection multi-tissulaire. Cependant, les études montrent que le coronavirus SARS-2 est à tropisme respiratoire primaire et que l’atteinte du système digestif pourrait être essentiellement secondaire à sa diffusion par virémie (hypothèse). L’infection digestive est connue pour certains coronavirus, mais dans des circonstances particulières de résistance aux sucs gastriques ; une telle propriété ne semble pas jusqu’ici avoir été étudiée pour le SARS-CoV-2. Les symptômes gastro-intestinaux chez certains patients seraient donc plus liés à une diffusion systémique du virus plutôt qu’à une entrée directe par voie digestive. Aucun cas de transmission féco-orale n'a encore été signalé et l’infection des voies respiratoires après ingestion d’un aliment contaminé n’a d’ailleurs pas été observée et paraît peu probable bien que non exclue. 
La voie d’exposition principale reste donc, à la connaissance des experts de l’étude, la voie respiratoire, d’où l’intérêt majeur, immédiat et impérieux, d’adopter le masque en toutes circonstances d’exposition possibles et de multiplier les gestes barrières, notamment le lavage régulier des mains avant et après manipulation des aliments, avant et après la toilette et notamment après l’essuyage aux wc. 

Hygiène : Le passage du virus d’une personne infectée à d'autres personnes peut principalement se produire par un éternuement, une toux ou un contact direct avec des mains souillées. La brumisation de l'espace respiratoire d'un sujet sain, le dépôt de gouttelettes contenant le virus sur une surface de contact, des ustensiles voire des aliments, la contamination de ses mains qu'il porte lui-même à son visage ou à ses yeux, sont les principales voies de transmission connues. L'hygiène générale, le port correct d'un masque que le sujet s'astreint à ne pas toucher, et le lavage systématique des mains avec du savon avant, pendant et après tous contacts sont des mesures essentielles combinées. Notamment, le lavage des mains doit impérativement avoir lieu après tout geste contaminant (après avoir toussé, après s’être mouché, après passage aux toilettes, etc.) et avant toute intervention sur des objets ou aliments que pourraient toucher d'autres personnes (et vice versa). 

Il est bon de rappeler que les coronavirus sont connus pour pouvoir persister jusqu’à 9 jours dans des conditions particulières de non nettoyage, de température et d’humidité relative de l’air faibles, ce qui est un cas extrême. Pourtant, et selon les experts, compte-tenu de la faible capacité de survie des coronavirus aux opérations de nettoyage et de désinfection et de l’absence de données indiquant que le SARS-CoV-2 se comporte différemment des autres coronavirus, l’application de bonnes pratiques d’hygiène et des procédures de nettoyage et de désinfection dans tous les contextes (industries, à domicile, etc.) paraît une des meilleures protections.

Pour aller plus loin sur les coconovirus, l'histoire de leur découverte et l'évolution des connaissances médicales à leur propos, un excellent article de vulgarisation du Monde (lien ici).




05 avril 2020

IA, BIO : Déconfiner grâce à l’IA - un nouveau problème de méthode.



Comment sortir du confinement dû au SARS-CoV-2 sans courir le risque d’une réactivation épidémique de Covid19 ? Telle est la question que se posent les responsables politiques et médicaux de santé publique.
Un article publié aujourd’hui dans le Journal du Dimanche (lien ici), signé de plusieurs médecins,  propose de recourir à un outil d’intelligence artificielle 
En l’absence de vaccination de toute la population, il existe plusieurs scénarios de sortie de confinement. La première stratégie de suspension pure et simple du confinement pour l’ensemble de la population exposerait au virus tous ceux qui ne sont pas encore tombés malades, et provoquerait donc une deuxième vague pandémique avec les dégâts que l’on connaît. La seconde stratégie est celle vers laquelle s’orienteraient les pouvoirs publics, basée sur le contrôle électronique de la population grâce à la géolocalisation et des applications mobiles sur portables. Cette procédure déjà mise en œuvre dans certains pays asiatiques permet de tracer et confiner les malades ainsi que ceux qui ont été en contact avec eux. De lourds problèmes se posent alors quant à l’atteinte aux libertés individuelles et aux principes constitutionnels mêmes de la République (rupture d’égalité, ségrégation sur des critères biologiques, etc. et leurs conséquences en termes de Droits de l’homme, de citoyenneté, d’économie, de santé, d’éducation, d’accès aux ressources ...). Cette procédure est encore loin d’être mûre pour une application en France.
Une troisième alternative dérivée des deux précédentes reposerait, selon les auteurs de l’article, sur l’utilisation de l’Intelligence Artificielle, en associant de manière anonyme et volontaire les données de géolocalisation des téléphones portables et l’exploitation intelligente des bases de données portant sur les hypothèses initiales sur le Covid19, traîtés par IA pour permettre des modèles de prédictions de plus en plus fiables, à partir des données alimentées chaque jour sur la contagiosité, les résultats des tests de depistage, les données de proximité sociale, etc.
L’initiative CovidIA (https://covidia.org/) semble pour l’heure bien mystérieuse. Si elle est encourageante, elle repose néanmoins sur plusieurs hypothèses loins d’être réalisables. La première est celle d’une exploitation sur des données non viciées, c’est-à-dire vérifiées, mobilisant l’honnêteté des déclarants, et exemptes de toute cybercriminalité. La seconde est, à l’instar de la seconde stratégie, celle d’un accord des instances légales nationales et européennes (notamment conformité avec le RGPD) et d’une acceptation des citoyens.enfin, la troisieme correspond au pari que le gouvernement, en pleine polémique sur la conformité expérimentale de l’hydroxychoroquine pour le traitement précoce de la maladie, accepte de soumettre son plan d’action à un dispositif qui n’a jamais montré sa pertinence ni même son utilité.
Voir l’article commenté du Huffington Post,