30 mai 2014

IA : Pourquoi conduire, Google le fait pour vous.

On se posait depuis longtemps la question de savoir "pourquoi apprendre, puisque si vous ne le savez pas, Google le sait pour vous ?". On peut maintenant légitimement de poser la nouvelle question "pourquoi conduire, puisque Google le fait pour vous ?".
On sait parfaitement que les pratiques et les techniques d'accès au Web ont métamorphosé les cerveaux, les modes d'apprentissage des jeunes et la communication entre les personnes perpétuellement connectées. Google va plus loin dans son accompagnement de la mutation des hommes vers un état transhumain qu'il ambitionne et appelle de ses voeux. Inutile d'apprendre à conduire, inutile d'investir dans l'industrie de la signalétique, dans les moteurs et l'économie automobile du passé ; la singularité automobile a été atteinte : "plus besoin de conduire" !
Depuis quelques années, Google développe une voiture autonome capable de rouler dans le trafic normal, sans conducteur. La firme a tout bonnement supprimé le volant et les pédales et manettes de conduite. Ca ne sert plus a rien !
Le tout nouveau prototype (voir la page du Blog Google) sans volant ni pédale d'embrayage, d'accélérateur ou de frein,  est géré par un logiciel et des détecteurs s’occupent de tout. Avec son GPS intégré, la" Google car" peut calculer un itinéraire et s’y rendre en toute facilité, en toute rapidité, en optimisant les trajets en fonction de l'encombrement des routes, de leur état et du trafic potentiel en fonction des données en ligne et de son expérience issue du "big data". Les détecteurs quant à eux sont d'une efficacité redoutable puisqu'ils peuvent concevoir une image (qui n'est pas mentale mais techno-homologue) sur une superficie équivalente à deux terrains de football américain ; bien plus que ne peut concevoir un cerveau de conducteur humain.
Pour l'usager, le progrès est triple : la tranquillité, l'efficacité et la sécurité.
Un vidéo intéressante montre l'expérience de la nouvelle voiture autonome qui peut embarquer deux passagers. Ils n’ont plus qu’à profiter du voyage, discuter entre-eux, tout en pouvant modifier les données de l’itinéraire grâce à un écran de contrôle tactile sur lequel ils peuvent surveiller l'avancée d'un voyage à la vitesse optimisée maximale de 40 km/h (voir la vidéo).
Au-delà de la prouesse technique, l'expérience pose plusieurs questions.
S'il n'y a plus besoin des mains, des pieds, ni du cerveau, c'est que Google les déclare inutile, c'est que le conducteur traditionnel est inutile, cantonné à conduire les vieux tacots et autos d'un autre temps, ou peut-être les véhicules à bas coût et d'un autre âge que les populations archaïques devront encore assumer faute de ne pouvoir accéder économiquement ou culturellement aux automatismes.
Deux analogies sautent aux yeux. la première concerne les avions du passé, cantonnés aux aéroclubs et aux pays en voie de développement, alors que Airbus et Boeing d'une part, Dassault, Embraer et Bombardier sur un autre segment civil, Dassault, Boeing et General Dynamics ou Saab pour le militaire (voir un F16 sans pilote ici), dont on sait qu'un des enjeux sera prochainement le transport sans pilote et l'opérationnel purement mécanique, sont dans la compétition à l'automatisme et l'autonomie. La question se pose aussi pour les trains, avec déjà des métros sans conducteurs comme sur les lignes 1 et 14 et bientôt la ligne 4 à Paris, l'Orlyval à Anthony, etc (ref ici). La seconde analogie concerne la robotique autonome, avec les robots compagnons et de surveillance ou intervention, pour une meilleure efficacité et une sécurité des opérateurs comme des sites d'activité (voir cobotique).
Si l'on observe l'ensemble "Google-Car" dans son contexte, il faut admettre qu'il passe le "Test de Turing" ... Ou la conduite est un comportement idiot, ou s'il est intelligent, Google a dépasser les limites technologiques de l'intelligence. Comme d'habitude, dans ce cas, et ce fut celui de Deep Blue avec le dépassement des performance humaines aux échecs, on est en face de deux positions intellectuelles.
Soit on repousse les limites de l'intelligence humaine au-delà de la limite atteinte par les machines. Dans ce cas il faut donc admettre que ceux qui jusqu'ici se considéraient comme pratiquant une activité intelligente de haut niveau en conduisant vont être déçu. Dans le meilleur des cas, on peut admettre que ce n'était qu'une activité d'intelligence infra humaine, celle qu'un animal intelligent aurait pu atteindre, mais certainement plus une activité d'intelligence humaine supérieure ; le chauffeur est donc rangé au niveau du domestique, comme l'animal savant. Soit on statue directement sur le fait que conduire correspond à une partie d'intelligence qu'on qualifie d'automatique, et qui n'a donc rien de caractéristique d'humain. Conduire est du ressort de la machine : alors pourquoi continuer puisque les machines le font bien ? Tel a été le cas de nombreuses tâches domestiques ou industrielles que les hommes ont déléguées aux machines : laver, coudre, cuire, usiner, monter des pièces industrielles, assembler des mécanismes pour en faire des machines, mais également écrire, imprimer, relier, publier, ou compter, calculer, rédiger, réfléchir, etc.
Le statut même de l'intelligence doit être repensé à partir de l'efficacité du comportement qui en est issu. Si l'intelligence est ce que nos civilisations ont respecté en alternative à la force, et si la mécanisation en détruit le statut purement humain en en donnant les clefs à ceux qui ne l'ont pas, par défaut ou par choix, n'est-ce pas une forme de porte ouverte sur l'inconnu ? Quoi qu'il en soit, l'intelligence artificielle concrète, celle qui agit en perfuse la société, celle avec qui nous apprenons à partager le monde, se diffuse et rend l'aspect des choses drôlement intéressant. L'avenir du partage entre les hommes et les machines n'en est qu'à son début ... et l'aventure inévitable est lancée. Ça va décoiffer !