04 mars 2018

DIV : De l’oubli des contraintes cognitives.

Nous savons bien le mépris dans lequel les politiques tiennent les scientifiques. Persuadés qu'ils sont de détenir «"a réalité", ils "savent" ce qui est bien pour les autres, "investi d'une mission" d'histoire, et fiers d’etre capables d’assumer "être impopulaires", argument ultime pour faire passer leurs habituelles prétentions, oukases ou faiblesses de courage.
On peut parler du décalage entre l’heure d’hivers et l’heure d’été, que nos organismes supportent mal toujours plus de quarante ans après. Le 19 septembre 1975, dans un contexte d'économie d'énergie,  MM. Chirac, D'Ornano et Cavaillé décrétèrent que le 28 mars 1976 serait le début d'une mesure "provisoire" qui ne devait durer que le temps du choc pétrolier. Un autre exemple encore plus caractéristique est celui des longueurs des mois, qui nous contraint toujours, plus de deux mille ans après une des décisions politiques les plus prétentieuses de l’ordre Romain.
Chacun sait, depuis l’école primaire, qu’une année fait 365 jours, un peu plus tous les quatre ans et en début de siècle, pour rattraper la désynchronisation des rotations terrestres, l’une sur elle-même, l’autre autour du soleil (365,24 jours). Il était donc possible, et les astrologues devenus astronomes puis astrophysiciens l’avaient bien montré, d’alterner des mois de 29 et de 31 jours (en fait, c’etait Un peu plus compliqué) et de supprimer un jour de temps en temps. 
C’était sans compter sur l’empereur Auguste !!! Le calendrier julien, qui précéda notre calendrier grégorien, débutait alors en mars, mois du dieu de la guerre, pour se terminer en février, celui qui permettait ainsi les réajustements nécessaires à la fois de fin de mois et de fin d’année.  Le nom de februarius dérive du verbe februare, qui signifie "purifier" ; la purification en fin de cycle.
Le mois de juillet était quant à lui consacré à César : julius en latin, july en anglais ... celui d’août célébrait le nom d’Auguste : augustus, august. Mais voilà, celui de Jules était de 31 jours et celui d’Auguste se retrouvait donc plus court. Impossible à supporter pour un nouvel qui devait s'inscrire dans l'histoire ! Auguste a donc décidé de prendre un jour au mois de rattrapage et de le rajouter au mois d’août. Le calendrier grégorien a depuis changé l’ordre des mois et février est alors apparu en début d’année, rendant le système complètement incompréhensible. 
Mais l’empereur était content ; fier comme un bar-tabac, disait Bérurier quelques années avant d’être repris par Coluche ... S'engouffrant dans la brèche, de multiples conseillers ont amener les princes à ajouter, retirer, rattraper, supprimer des jours par ci, par là, afin de faire rentrer le décalage des deux rotations terrestre dans une logique calendaire des plus absconse : plus personne n'y comprend goute, et les savants discutent encore ...
Cela nous rappelle évidemment d’autres aberrations par rapport à des règles établies en prenant en compte la facilité de comprendre. Par exemple, il en est ainsi des vitesses sur la route. Sans entrer dans l’évidence que "diminuer la vitesse économise des morts" (voir aussi le modèle de Nilsson), les experts avaient admis que la complexité du code de la route devait faire l’objet de mesure de simplification "cognitique", reposant sur des règles spontanément compréhensibles pour les usagers de la route. Par exemple, les vitesses imposées aux automobilistes, ce qui est différent pour les poids lourds, sont « impaires » : 30 et 50 km/h en agglomération, 70 et 90 sur routes normales, 110 et 130 sur les voies rapides et autoroutes. C’etait simple et le serait resté si un politique n’avait souhaité imprimer sa marque : plutôt que de baisser à 70, il le fit à 80, rendant ainsi, comme Auguste, tout incompréhensible ... et évidemment pour de longues années !
Voulant rester sans l’histoire comme celui qui a eu le courage de sauver des vies, il n’est pas certains qu’il ne soit pas celui qui sera cité comme le responsable du grand bazar, comme Auguste ... toutes proportions gardées ; on espère bien que la voiture autonome n’attendra pas 2000 ans.
Cet exemple amusant montre combien il est encore difficile de convaincre de respecter les caracteristiques, limites ou préférences cognitives spontanés des usagers dans des processus qui les concernent tous.

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