La réalité continue ou comment utiliser le virtuel pour approcher la réalité au plus près ? Une présentation de la conférence hollandaise Picnic 2009 sur la créativité à l'ère des nouvelles technologies.
Alors que les interactions numériques sont perçues comme étant aussi réelles que celles que nous avons dans le monde analogique, le numérique peut-il nous aider à mieux comprendre le réel ? C’est tout l’enjeu de la "réalité continue", comme prolongement du réel ou Continuum de la Virtualité qu’évoque Paul Migram.
Suzanne Stefanac, directrice du Laboratoire de contenus numériques de l’Institut du film américain commence par évoquer Escape from City 17, une nouvelle série de science-fiction entièrement créée à partir de l’environnement 3D du jeu Half Life 2, dont les deux pilotes (l1re) ont coûté moins de 500 dollars à produire (hors temps des deux créateurs). Le Machinima (c’est-à-dire ces films ‘tournés’ dans un environnement virtuel 3D temps réel utilisant en général des moteurs de jeux vidéo) quitte le monde du bricolage pour fans de jeux en réseau pour celui de la création audiovisuelle professionnelle, estime-t-elle, et réinterroge l’avenir de la création et de la fiction.
Le ‘journalisme immersif.
Nonny de la Pena et Peggy Weil (voir le blog) sont chercheurs, artistes, réalisatrices et enseignantes. Elles cherchent à inventer un journalisme immersif, c'est-à-dire une production d’information réelle en exploitant les technologies nouvelles pour impliquer le spectateur dans l’appréhension d’une situation.
Gone Gitmo est le premier projet qu’elles évoquent. Il dérive d’un documentaire très critique de Nonny de la Pena sur le camp de prisonniers de Guantanamo, simplement intitulé Unconstitutional (Inconstitutionnel). Il n’était pratiquement pas possible aux journalistes d’accéder à la réalité du camp. Nonny de la Pena a proposé à Peggy Weil, qui travaille depuis des années sur les serious games, de construire un Guantanamo virtuel - et de produire des films à partir de cet univers ‘virtuel’, dont le but est d’approcher et de ressentir une réalité rendue inaccessible. Les utilisateurs peuvent se créer un avatar sur Second Life qui sera ensuite enlevé, puis emmené dans une reconstitution de Guanatamo (produite à partir de plans et de photos réelles) pour y vivre, à la première personne, la ‘vraie’ vie des détenus (voir la vidéo).
D’autres dispositifs complètent l’expérience. La visite du plan de la prison déclenche des séquences vidéos, parmi les rares qui viennent du Camp Delta. D’autres dispositifs d’interaction permettent de s’informer sur les (nombreux) droits humains et internationaux que Guantanamo viole, décrivent quelques situations individuelles de détenus, simulent des échanges avec des gardiens ou restituent les débats parlementaires relatifs à la fermeture (toujours repoussée) du Camp Delta.
Image extraite d’Ipsress Expérience montrant un spectateur en place d’un détenu.
Un autre projet, The Ipsress Experience (voir la vidéo), se fonde sur les minutes de l’interrogatoire d’un détenu, publiées en vertu du Freedom of Information Act, dont l’administration Bush elle-même a reconnu qu’il avait été torturé. Le spectateur se retrouve dans la situation de la victime - même si les deux chercheuses ont choisi de ne pas montrer d’actes de torture. Cette fois, le dispositif utilise un casque de réalité virtuelle au travers duquel on se trouve projeté dans la salle d’interrogation, plié dans la position semi-accroupie dans laquelle les détenus étaient contraints de rester des heures durant. On entend un interrogatoire dans la salle d’à côté, et on peut supposer qu’il est violent… ‘On peut lire dans le journal que les prisonniers sont maintenus dans les positions les plus inconfortables, mais quand on voit son visage au-dessus d’un corps installé dans cette position, quand on entend ce qu’entendent les détenus, on comprend vraiment ce dont il s’agit’, explique Nonny Weil.
Enfin, le projet Walljumpers prend la forme d’un ‘jeu triste’, dans lequel on joue à franchir les murs qui marquent un nombre croissant de frontières du monde - sans toujours y parvenir. A nouveau, des informations, des cartes, des photos, donnent accès à de l’information journalistique et historique.
Augmenter la ville, à grande échelle
Antonio Camara, professeur à l’université Nouvlle de Lisbonne et fondateur d’Y Dreams (voir le blog) a présenté le projet de réalité augmentée de l’estuaire du Tage, aux abords de Lisbonne. Cet estuaire est le plus vaste d’Europe. Son entreprise se spécialise depuis longtemps sur la réalité augmentée en organisant des visites virtuelles de bâtiments modélisés en 3D. Elle travaille désormais à créer des objets imaginaires, créés par les gens, que l’on pouvait ensuite ‘voir’ dans l’espace de l’estuaire. Mais leur projet allait plus loin : il s’agissait d’une part de mettre les gens en relation et d’autre part, de rendre visibles les interactions entre les gens. Par ailleurs, des artistes ont été appelés à créer des oeuvres virtuelles, visibles dans l’espace au travers de dispositifs de réalité augmentée, comme cette borne qui permet de regarder la réalité augmentée de l’estuaire (ou de tout autres lieux).
L’équipe d’Y Dreams voudrait transformer l’estuaire en scène : en faire un immense écran sur lequel on peut projeter des images et des informations, en interagissant avec les bâtiments, les ponts, les bateaux qui passent. Comme le dit Antonio Camara, ‘le futur de la réalité augmentée est la très grande échelle’.
On peut tester leur amusante application Twitter de réalité augmentée !.
(Via Internet Actu).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire