Le projet posthumaniste de maîtrise du vieillissement est-il en train de prendre de la concrétude ?
Des chercheurs de l'Institut de génomique fonctionnelle de l'université de Montpellier 1 viennent de publier dans le numéro du 1er novembre 2011 (lien) de la revue Genes & Development des travaux portant sur la possibilité d'effacer les marques de vieillissement des cellules de donneurs âgés de plus de 100 ans, et de les reprogrammant au stade de cellules souches, montrant ainsi que le processus du vieillissement est biologiquement réversible : il est possible de renverser le cours spontané du vieillissement.
En 2006-2007, l'équipe japonaise de Shinya Yamakanaka a montré qu'on pouvait obtenir des cellules souches non embryonnaires (Induced Pluripotent Stem Cells - IPSC) à partir de cellule adultes littéralement "reprogrammées" grâce à un "cocktail" de quatre gènes transportés par des virus qui vont s'intégrer au noyau (lentivirus). Ces cellules "artificiellement" dopées présentent les mêmes potentialités que des cellules souches embryonnaires et sont donc pluripotentes, c'est-à-dire capables de se différentier en différents tissus anatomo-fonctionnels selon les besoins.
On pensait que la reprogrammation des cellules adultes humaines en cellules souches était pourtant contrainte par la limite de la sénescence. la frontière est aujourd'hui tombée et les cellules ayant atteint l'arrêt de leur propre capacité de reproduction par prolifération en culture, peuvent être de la même manière reprogrammées.
Au delà des applications potentielles pour la réparation des organes malades, on pense évidemment au maintien d'une capacité cicatricielle, aux greffes de tissus tels que la peau ou les neurones, et au maintien artificiel d'une situation de combat du vieillissement. Cette reprogrammation à partir de propres cellules du receveur contourne d'ailleurs le problème éthique de l'utilisation potentielle de cellules souches d'embryons, jusqu'ici interdite.
La publication rapporte comment les chercheurs ont dans un premier temps multiplié des cellules de la peau (fibroblastes) d'un donneur de 74 ans pour atteindre l'état de sénescence et l'arrêt conséquant de la prolifération des cellules. La reprogrammation in vitro de ces cellules étant alors impossible avec la préparation classique (à base de quatre facteurs génétiques : OCT4, SOX2, C MYC et KLF4 utilisés par les chercheurs japonais), les chercheurs montpellierains ont ajouté deux autres facteurs génétiques (NANOG et LIN28) pour un nouveau "cocktail" à six ingrédients. Les cellules sénescentes reprogrammées ont réacquis les caractéristiques de cellules souches pluripotentes de type embryonnaire, en ne conservant aucune trace de leur vieillissement antérieur. Tout se passe comme si les marqueurs de l'âge des cellules ont été effacés, avec l'acquisition d'une capacité de prolifération et une longévité accrues.
Ce cocktail a également été testé sur des cellules de donneurs de 92 à 101 ans, avec le même résultats, montrant que l'âge n'est plus une barrière à la reprogrammation cellulaire.
Si le débat sur l'utilisation de cellules embryonnaires est ainsi contournée, s'ouvre aujourd'hui celui de la réparation des organes ou des tissus chez des sujets pouvant ainsi espérer reculer indéfiniment le vieillissement de leur corps.
La porte est-elle aujourd'hui ouverte sur le posthumanisme ? En tous cas, ce résultats ne manqueront pas d'alimenter les débats des partisans de l'homme augmenté.
Résumé de la publication (lien).
Les équipes citées appartiennent aux institutions montpelliéraines :
Institut de génomique fonctionnelle (Inserm, Cnrs, Université de Montpellier) - Institut de génomique humaine (Cnrs) - Département de génétique du CHU Arnaud de Villeneuve - Institut de recherche en biothérapie (CHU Saint-Eloi et Université de Montpellier).
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01 novembre 2011
BIO : Le posthumanisme est-il en marche ? Reprogrammation de cellules âgées en cellules souches.
Libellés :
bio,
éthique,
homme augmenté,
polémique,
santé
Pays/territoire :
Hérault, France
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