23 avril 2020

BIO : Ne nous plaignons pas des pangolins - Pour une vision écoépidémiologique.

Ne nous plaignons pas des Pangolins ni des chauves-souris, véritables souches à virus (voir ici). En effet, dans leur chronique pour une approche globale de la santé, les responsables de 14 organismes de recherche et d’universités fédérés par Allenvie (voir ici) précisent que les analyses génétiques du Sars-CoV-2 le rattachent au groupe des Betacoronavirus, et notamment montrent sa proximité avec le virus RaTG13, isolé sur une chauve-souris de la province chinoise du Yunnan,  à 60 kilomètres de Kunming, dans le sud-ouest de la Chine (77 % d’identité avec le Sars-Cov-2). Ils précisent qu’un virus encore plus proche a été récemment isolé chez le pangolin malais, qui peut infecter les cellules humaines (de 90% à 96%, voire 99 % d’identité avec le Sars-Cov-2 selon les publications - ici - et - là - ou encore - là - pour une revue), alors que le RaTG13 ne le peut pas. Cela suggère que le Sars-Cov-2 est issu d’une recombinaison entre deux virus différents, l’un proche de celui de la chauve-souris et l’autre plus proche de celui du pangolin (plus de précisions, voir ici).  L'épidémie de Sras qui a démarré en 2002 touchant 8000 personnes était déjà dû à un virus similaire qui s'était développé chez ces mammifères dans une grotte reculée de la province du Yunnan,Il était alors passé à l'humain par l'intermédiaire de la civette masquée, un petit mammifère carnivore.

« Une première leçon de ce constat sur les origines probables du virus est qu’il ne servirait à rien d’éradiquer les pangolins, ni les chauves-souris. Les virus de cette famille courent à travers toute la biodiversité des mammifères, laquelle comporte de nombreux porteurs sains », rappellent les scientifiques. Il est d’ailleurs absurde de « penser que la biodiversité représente un danger potentiel puisqu’elle héberge de nombreux pathogènes » et, bien que contre intuitif, c’est « tout le contraire ». En effet, d’une part « une grande diversité d’espèces hôtes potentielles ou effectives limite la transmission des virus par un effet de dilution » (voir l’explication ici d’un effet de dillution rencontré dans plus de 70% des cas), et d’autre part, « la diversité génétique propre à chaque espèce contribue à faire émerger des résistances de l’hôte à son pathogène, et donc limite aussi sa transmission ». Une récente étude d’une équipe de l’University of South Florida à Tampa (Floride, USA), publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (Pnas), et portant sur une méta-analyse de 202 études d’interactions hôtes/pathogènes, dont 47 espèces parasitaires n’affectant que les animaux et 14 touchant aussi l’homme, montre que l’hypothèse de l’effet de dilution n’est en rien une exception, mais semble au contraire la règle. Les organismes pathogènes feraient en effet plus de ravages lorsque le nombre d’espèces décroît dans le milieu (voir ici le débat). De nombreux travaux scientifiques récents montrent ainsi que de la qualité de la biodiversitédépend la qualité de la santé, d’où le concept de One Health, et que l’éradication des espèces vecteurs supprime l’effet de dillution et aggrave la situation sanitaire humaine.
La biodiversité amoindrit en effet les ravages causés par un parasite, et ce dans tous les contextes écologiques : microparasitee (virus, bactéries, champignons, etc.) ou macroparasites (vers nématodes, trématodes, etc.), cycles de vie soit plus ou moins complexes implicant un nombre plus ou moins grand d’espèces hôtes, et cela aussi bien pour les espèces animales (agriculture, chasse, médecine vétérinaire) ou l’homme (médecine humaine). C’est ainsi que « le déclin de la biodiversité qui, en réduisant les populations d’hôtes et, ce faisant, la probabilité d’apparition des résistances, augmente les risques de transmission des pathogènes et l’émergence des maladies associées ». Donc pour se protéger des virus, protégeons les souches à virus car, plus nombreux elles sont, plus elles nous protègent, pour peu qu’on les laisse tranquilles. Et là, et un second problème.
Voici le scénario que les auteurs de la tribune rapportent et qui a amené à la diffusion du virus. Alors que les chauves-souris et les pangolins n’ont aucune raison d’être en contact direct entre eux, et très peu de chances d’être en contact directement rapproché avec les hommes, c’est le fait de les chasser et de les concentrer sur des marchés qui a permis « le passage de la chauve-souris au pangolin, puis du pangolin aux humains ». Ainsi le coronavirus de la chauve-souris qui n'est pas transmissible à l'homme a bénéficié de la proximité des chauves-souris captives en contact avec des pangolins eux-mêmes captifs au même endroit. Deux hypothèses, soit il s'agit d'une mutation du virus de la chauve-souris àpar le passage par le pangolin, soit plus probablement il s’agit d’une chimère entre deux virus préexistants, qui a acquis des propriétés  de capacité à pénétrer les cellules humaines (voir ici).
Alors que ces espèces animales sont strictement protégées, et que leur commerce est évidemment interdit, on constate que la consommation de leur viande et l’incorporation de certaines parties (ailes, écailles…) dans les préparations de médecine traditionnelle asiatique sont les raisons principales de cette hécatombe, et de l’augmentation des contacts avec les humains. Il y a là, évidemment des raisons traditionnelles, mais elles sont amplifiées par de véritables trafics mafieux probablement en réponse à des effets de mode et de défiance de la médecine moderne au bénéfice des nouvelles industries des médecines alternatives, ainsi que des remontées des croyances et d’un mouvement global mondial de négation et de refus de la science.
Les conséquences de ce constat sont multiples, avec en premier lieu la mise en œuvre de politiques résolues ; c’est « une nécessité de santé publique » alertent les signataires de la chronique du Monde. Il faut d’urgence limiter « les activités humaines qui appauvrissent directement la biodiversité ». Cela ne se fera pas sans entreprendre une éducation globale des populations, de manière transculturelle, et surtout sans une revalorisation de l’image de la science (qui n’est pas bien aidée par les batailles de chiffonniers ni les pratiques individualistes de chercheurs maintenus en concurrence par des systèmes compétitifs d’appels d’offres ou d’évaluation de carrière). C'est à ce prix qu'un effort international de lutte contre les mafias pourra être efficace, par la chasse à l’institutionnalisation des comportements à risque et à la chute des demandes de marché noir, en engageant dès les plus jeunes âges de scolarisation au respect de logiques naturelles de préservation de la biodiversité.
Nous en sommes malheureusement encore loin, y compris dans notre pays.

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