L'effet placebo est un fait admis seulement depuis la fin du siècle dernier. Jusque là, la médecine ne pouvait admettre l'influence d'une substance biochimiquement non active. Le terme vient du latin "je plairai" ; il apparait pour la première fois dans le dictionnaire médical anglais Hooper de 1811 : "médication destinée plus à plaire au patient qu'à être efficace".
L'effet placebo provoque une amélioration de l'état du patient sans pour autant qu'il soit soumis à une substance chimique active. Il peut être direct, c'est-à-dire agir directement sur la maladie ou ses symptômes, ou indirect, c'est-à-dire potentialiser l'action d'une molécule active prise en même temps.
Il est objectivement quantifié par l'écart positif constaté entre le résultat thérapeutique observé lors de l'administration d'un médicament et l'effet thérapeutique prévisible en fonction des données strictes de la pharmacologie. Il est d'autant plus critique qu'il intervient dans les essais en double aveugle, puisque le patient croit qu'il prend un médicament alors qu'il s'agit d'un placébo, ou pire, peut croire qu'il prend un placébo alors qu'il reçoit un traitement actif. Dans ce dernier cas, on parle de l'aspect négatif du placebo, que certain nomment "nocebo".
Si jusqu'ici les chercheurs se sont consacrés principalement à l'étude de l'influence positive du placébo, celle de l'effet nocebo (du latin : "je nuirai") n'est encore que confidentielle. Le terme a été utilisé 150 ans après celui de placébo, en 1961, par le médecin Walter Kennedy. Selon lui, un patient sur quatre en ferait l’objet. Il s’agit en quelque sorte d’un placebo qui a mal tourné, en intoxiquant ou provoquant des effets secondaires tels que vertiges, maux de tête, diarrhées, allergies, douleurs menstruelles, etc. On a même noté des effets d'accoutumance, avec des patients devenu « accro » à un produit totalement neutre. Plus important encore, la présentation que l'on fait du traitement : prescrire un placebo à des patients sans leur préciser de quoi il s’agit, ni quels effets il peut produire, déclencherait des symptômes dans plus de 80 % des cas. Accompagner la prescription par un discours désobligeant ou menaçant augmenterait ainsi le taux de cholécystokinine, hormone impliquée dans la perception de la douleur.
L’effet nocebo peut prendre des proportions critiques pour la santé. On a montré qu'un placébo provoque l’impuissance chez un tiers des hommes auxquels on a exposé les désagréments possibles sur leur libido d'un traitement pour la prostate. Des patients parkinsoniens traités par électrodes implantées peuvent retrouver des difficultés à bouger et des tremblements dès qu'on leur fait croire que les électrodes ne fonctionnent plus. Certains habitants voisins d’une antenne-relais se sont plaints de différents symptômes alors que l’antenne n’avait pas encore émis. On a même rapporté la mort d'un patient en état non critique après une erreur d'un prêtre lui ayant administré l'extrême onction par erreur.
L'effet nocebo est donc un effet négatif qui va annuler ou réduire, voire annuler les effets pharmacologiques d’une substance, voire provoquer un trouble attendu de cette substance en sa parfaite absence. Comme l’effet placebo, l'effet nocebo n’est pas lié à la substance, mais à l’attente psychologique du patient, découlant souvent d'ailleurs de l’attente du médecin vis-à-vis du traitement qu’il prescrit.
Des chercheurs britanniques et allemands ont mené une étude sophistiquée sur l'effet nocebo et la douleur, publiée dans Science Translational Medicine (lien). Après avoir fixé des diffuseurs de chaleur sur la jambe de 22 volontaires en bonne santé, ils ont augmenté le rayonnement jusqu'à une plainte douloureuse de 70 sur une échelle de 1 à 100. Ils ont été placés sous perfusion d'une forte dose de rémifentanil (dérivé de la morphine), ce qui a provoqué la diminution de la douleur même chez les sujets non informés.
Puis, les expérimentateurs ont informés leurs patients qu'ils allaient leur injecter l'analgésique, même si celui-ci circulait déjà dans leur organisme. Les participants ont signalé une nouvelle réduction de la douleur — ce qui montre l'effet placebo de l'analgésique.
Enfin, les chercheurs ont encore menti, en disant aux sujets qu'ils allaient cesser le traitement et que leur douleur allait probablement augmenter. Leur niveau de souffrance a quasiment retrouvé celui enregistré avant tout traitement, leurs craintes annulant l'effet d'un médicament, montrant un effet nocebo.
"The Effect of Treatment Expectation on Drug Efficacy: Imaging the Analgesic Benefit of the Opioid Remifentanil", U. Bingel et al., Sci. Transl. Med., 16-02-2011, vol. 3, Issue 70, p. 70ra14.
"Nocebo-induced hyperalgesia during local anesthetic injection", D. Varelmann et al., Anesth. Analg., vol. 110, no 3, mars 2010, p. 868-70.
"L'effet placebo. Un voyage à la frontière du corps et de l'esprit", par Ivan O. Godfroid, Charleroi (Belgique) : Socrate Éditions Promarex, 2003.
"Un placebo peut être nocif", revue Science et Vie, Août 2010, page 55.
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