Le mot travail est apparu vers 1200. Il est issu du latin médiéval "trepalium" : instrument de torture. Il a longtemps été vécu comme une obligation, interdite aux privilégiés, et au service de leur propre rentabilité. Bien qu'ayant évolué dans le siècle dernier au bénéfice du travailleur, il revêt pourtant toujours son aspect d'obligation et de contrainte.
Au delà de ses aspects négatifs, le travail présente des aspects constructifs : il est important pour se forger une identité ; il permet de développer de nouvelles aptitudes ; il confronte le sujet à des obstacles en lui permettant de se découvrir lui-même, de prendre conscience de ses capacités et de structurer sa personnalité. A l’extérieur du contexte professionnel, il permet de se façonner une identité et de construire son image sociale.
C'est dans cet équilibre entre aspects positifs et négatifs du travail que réside l'adaptation du travailleur, qui peut alors être globalement affecté par son travail et ses modifications.
Christophe Dejours est psychiatre, psychanalyste, et consacre son activité à la psycho-dynamique du travail. Professeur titulaire de la chaire de psychanalyse-santé-travail au Conservatoire national des arts et métiers, il y dirige le laboratoire de psychologie du travail et de l'action.
Ses théories reposent sur l'interprétation que le sujet donne à l'écart entre travail prescrit et réel, les processus qu'il met en oeuvre pour gérer cet écart, et les mécanismes de défense qu'il élabore contre la souffrance. Selon ces théories, les personnes en souffrance au travail sont souvent dans l’incapacité de surmonter « le réel du travail ». Par « réel » il désigne les aspects du travail qui résistent aux savoirs du travailleur.
Lorsque le travailleur se voit assigner une tâche, certains aspects de la tâche échappent à sa maîtrise directe. Il doit évidemment en premier lieu rencontrer le réel (travailler puis échouer), puis il doit être capable de surmonter l’obstacle, faire preuve d’ingéniosité, trouver des astuces pour compenser ses faiblesses. Cet état d’échec peut s’avérer plus ou moins long et plus ou moins possible à endurer.
Le travail peut aussi être néfaste pour le travailleur et éroder petit à petit sa personnalité ainsi que l’image qu’il a de lui-même ou qu'il veut donner de lui. Tout cela dépend évidemment d’une part de l’organisation du travail et de la part de liberté qu’elle offre et d’autre part de l’état psychologique du travailleur. Le dépassement des limites du supportable peut amener le travailleur à mettre fin à ses jours et ceci malgré une vie sociale et privée équilibrée.
Selon Christian Dejours, lorsque l’on apporte une contribution par son travail, on attend de la reconnaissance ainsi qu’une rétribution. Le premier aspect est moral alors que le second est matériel, néanmoins tous deux ont un impact psychologique sur le travail. Cet effet pouvant être soit négatif soit positif. Ces éléments permettent au travailleur de se construire une identité et une estime de soi. L’impression d’être utile est aussi un élément clef des bénéfices du travail.
Voir les vidéos de C. Dejours (lien)
Travail, usure mentale de Christophe Dejours, édition Bayard, 2010.
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